Article de Gwenn Hamp, paru dans Le Télégramme le 06 juin 2023.
Gwenola Le Troadec, maire de Penmarc’h, et Nadia Améziane, cheffe de la station marine de Concarneau, alertent sur l’urgence climatique. Pour autant, elles refusent de stigmatiser les pêcheurs et ont choisi de travailler avec eux. Réunies à l’occasion de la Fête de l’océan, ce samedi 3 juin, au port de Saint-Guénolé, à Penmarc’h, Gwenola Le Troadec, maire de Penmarc’h, et Nadia Améziane, cheffe de la station marine de Concarneau, n’y vont pas par quatre chemins. « Nous sommes confrontés à un dérèglement climatique, pas seulement à un réchauffement », affirme Gwenola Le Troadec. « Je vais même aller plus loin. Le dérèglement climatique n’est qu’une des composantes de ce que l’on appelle le changement global. Nous en sommes aussi là aujourd’hui parce que l’espèce humaine se développe beaucoup, qu’elle surexploite les ressources, fragmente les habitats, pollue et importe des espèces invasives », appuie Nadia Améziane. À lire sur le sujet Réchauffement climatique : « Il faut très vite changer d’échelle d’action »
« On est tous coupables »
Radicales dans leurs propos, elles refusent de tout simplifier, en tirant à vue sur les pêcheurs. « On est tous coupables. J’en ai marre qu’il n’y ait qu’une population qui soit ciblée et stigmatisée. C’est comme avec les agriculteurs, qui seraient coupables de toutes les marées vertes. Est-ce que l’on s’interroge sur tout ce que l’on libère dans nos eaux de machine à laver ? C’est juste énorme. Regardez les sorties des stations d’épuration, vous avez aussi des marées vertes. On est tous coupables. D’abord parce qu’on pollue tous, on détériore, tous, les habitats, on consomme, tous, beaucoup. Si le pêcheur pêche, c’est pour répondre à une demande », pointe Nadia Améziane. À la station marine de Concarneau, cette professeure au Muséum national d’Histoire naturelle échange régulièrement avec les pêcheurs locaux. Ces derniers ont été les premiers témoins de la prolifération du poulpe ou de l’étoile de mer au large des côtes de Bretagne Sud. À lire sur le sujet Ces bestioles qui menacent la biodiversité des eaux bretonnes.
Répondre aux questions des pêcheurs
« Les pêcheurs se posent plein de questions. Que se passe-t-il avec la ressource ? Pourquoi les sardines sont-elles plus petites ? Pourquoi l’océan est-il plus chaud ? Pour qu’ils aient des réponses, je les mets en contact avec les scientifiques », explique Gwenola Le Troadec. À lire sur le sujet Hugo Simon, 20 ans, l’avenir de la pêche au Guilvinec.
Élue en 2020 sur « une liste qui annonçait les mutations liées au changement climatique », la maire de Penmarc’h « s’oppose, depuis plusieurs années, au bashing contre les marins pêcheurs ». La Fête de l’océan, dont elle est à l’initiative, s’est d’ailleurs conclue, samedi 3 juin, de 17 h à 19 h, par une table ronde où les acteurs de la pêche (pêcheurs et représentants des instances professionnelles) ont débattu avec les scientifiques, défenseurs de l’environnement et quarante personnes venues assister aux débats. Si chacun a fait valoir ses arguments et questionnements, les échanges n’ont pas dégénérés en invectives. « Tout le monde a pris le temps de s’écouter », se félicite Gwenola Le Troadec, qui ne nie pas la difficulté du challenge. « Lors d’une précédente conférence, Nadia a eu cette phrase formidable, quand quelqu’un lui a demandé : “Mais on finit avec quoi ?” Elle a répondu : “Avec l’intelligence collective et nos valeurs “. Comme elle, je ne crois qu’à ça. On ne peut pas travailler autrement », conclut l’élue penmarc’haise.
Photo à la une : Gwenola Le Troadec, maire de Penmarc’h, et Nadia Améziane, cheffe de la Station marine de Concarneau et professeure au Muséum national d’Histoire naturelle, refusent de stigmatiser les pêcheurs. (Le Télégramme / Gwenn Hamp)